[Maman] Transfusion : ce jour qui changea ma vie

J'ai toujours été persuadée que l'esprit, la force et le caractère permettaient de tout faire, d'arriver à ses fins, de réussir, de se surpasser.

J'ai toujours pensé que rien n'est impossible à qui s'en donnait les moyens, à qui le voulait vraiment.

J'ai toujours su que je guérirais si quelque chose devait m'arriver, tout simplement parce que je ne pourrais pas envisager le contraire. Je ne pouvais pas être faible, vulnérable.

Et puis, ma vie a changé...

Samedi 28 fevrier, vers 18h, Jean-Philippe et les grands viennent de partir. L’anesthésiste entre dans ma chambre :
"- Bonjour, Madame. Alors vous n’arrivez pas à vous lever ? Si demain après-midi vous n’y arrivez toujours pas, on vous transfusera. Bonsoir !"

Il est parti, je pleure. On va me quoi ? Me transfuser ?

Je vais mieux, je ne saigne plus depuis des heures. Je veux me lever. Je rêve de prendre une bonne douche chaude. Je veux aller me brosser les dents, me rafraichir le visage.

Je rêve de cette douche.

Il faut que je dorme. Que je récupère, que je reprenne des forces. Demain, je me lève et je marche, je prendrai cette foutue douche désirée.

Je ferme les yeux, je m’endors.

"Bonsoir Madame, je suis X, l’aide-soignante de garde pour la nuit  !" Bon dieu, il est 20h30, je dormais. Laissez-moi dormir, demain je me lève !

"Bonsoir Madame, je suis Y la sage-femme de garde pour la nuit !" Bon dieu, il est 20h40, je dormais. Laissez-moi dormir, demain je me lève !

"Bonsoir Madame, je suis Z l’auxilaire de puériculture de garde pour la nuit  ! Avez-vous assez de biberons ?" Bon dieu, il est 20h50, je dormais. Laissez-moi dormir, demain je me lève !

Ça y est, je ne peux plus dormir. Bon dieu, je dormais. Demain je me lève !

Mais ma vessie en a décidé autrement. Je sonne. "Allez madame, on va se lever ! Regardez, je mets la chaise à mi-chemin, si besoin, vous vous asseyez... Madame, Madame, ça va ? Madame ? MADAME ???" ... "Ça va mieux, Madame ?"

Je suis dans mon lit. MAIS COMMENT SUIS-JE REVENUE DANS MON LIT ???

"Madame, la prochaine fois, on réessaie mais je demanderai à ma collègue de venir aussi !"

"Allez Madame, vous voyez, la chaise est toujours là ! Madame? Madame ? Ça tourne là, hein ? Allez, on retourne au lit ! Madame, ca va mieux ? Ça ne tourne plus ? Ça a l'air ! Vous nous avez fait peur ! On va arrêter là pour cette nuit !"

Il faut que je dorme. Je suis forte, demain, je me lève, je prends une bonne douche chaude...

" Bonjour Madame, allez ce matin, on se lève ! Mes collègues de la nuit m’ont dit qu’elles vous appelaient l’irrelevable !"

Ma volonté est plus forte que tout. JE SUIS FORTE, JE VEUX ME LEVER, JE VAIS ALLER PRENDRE UNE DOUCHE !

 "Allez Madame, on y va ! Ça va ? Vite, vite, Madame ! Là, asseyez-vous !

JE SUIS ASSISE SUR LES TOILETTES, JE SUIS ALLÉE JUSQU’AUX TOILETTES... OULALALA, oulalalaaaaaa ....

"Madame ? Madame ? MADAME ? Mettez de l’eau froide sur votre visage ! Voilà, vous revenez !"

...

Vers la fin de matinée, l'anesthésiste revient. "Bonjour Madame, on va vous transfuser cet après-midi. Bonne journée, Madame !"

Une heure après les deux poches sont là. J’ai 1 minute 30 chrono pour parcourir et signer les différents documents : informations, risques, consentement. Mais ai-je le choix ? La transfusion commence...

...

On me laisserait le cather pour la nuit "Au cas où". Il m'empêche de plier le bras, de manger normalement, de prendre mon fils dans mes bras et de le remettre dans son berceau en douceur.

Je vais mieux. Dans la nuit de dimanche à lundi, je me lève avec de l'aide puis seule. Je revis...

Le lendemain, j’apprendrais que le taux normal d'hémoglobine est supérieur à 12, qu’on transfuse lorsqu'il descend entre 8 et 9. Le mien était inférieur à 7.