Photo : collectif Pas de bébés à la consigne !
Ce mardi 20 mars 2012, le Collectif Pas de bébés à la consigne ! - fort de sa grève nationale du 11 mars 2010 - revient sur le devant de la scène, à quelques jours des élections présidentielles. Malgré le drame dud ébut de semaine à Toulouse, il a maintenu (pour une question logistique avant tout) le débat qu'il avait de longue date préparé avec les partis politiques, sur la question des modes d'accueil. Un sujet malheureusement trop souvent oublié les médias nationaux, mais qui demeure « primordial ». Intéressé par ce débat "unique en son genre" (dirai-je), Papa Online s'est donc rendu à Paris pour écouter les diverses propositions de nos candidat(e)s à l'élection présidentielle. Un débat qui a tourné un peu court, étant donné que seule la gauche a répondu à l'invitation du Collectif : Front de Gauche, Europe-Écologie/Les Verts et Parti Socialiste, ainsi que la présence d'une représentante pour Lutte Ouvrière. Le Modem avait accepté l'invitation, mais le représentant de François Bayrou n'est finalement pas venu. En outre, le parti du Président de la République (UMP) n'a pas daigné venir. Je vous laisse juger de cette absence...
Voici en tout cas mon "compte-rendu d'audience" : un bref aperçu de ce débat (ou plutôt "conversation") qui a permis de mettre en avant les problématiques du monde de la petite enfance et plus précisément l'accueil des tout-petits, qui soufre cruellement d'un manque de places et de professionnels formés...
Pas de bébés à la consigne !
Un mot pour commencer sur le Collectif. Tout le monde ne le connaît pas forcément, il faut dire que la problématique de la petite enfance n'a malheureusement guère sa place dans les médias français, encore moins dans le débat politique en vue des élections présidentielles 2012. Le Collectif Pas de bébés à la consigne est né en 2009. Ce qu'il faudra surtout retenir à ce jour, c'est sans conteste sa forte mobilisation au printemps 2010 : un mouvement inédit au niveau national POUR la défense de la qualité d'accueil, collectif ET individuel, des jeunes enfants. La mobilisation nationale n'a finalement pas permis d'empêcher le passage en force du décret Morano, réformant l'accueil collectif des jeunes enfants et publié en juin 2010. Un décret scandaleux, préconisant un accueil en surnombre à 120% par exemple...
Aujourd'hui, le Collectif reprend la parole, tant bien que mal. En lançant le débat et en invitant les politiques à y participer, il a posé ses questions aux candidat(e)s à la Présidentielle. Pour connaître leur politique en termes de petite enfance. Six ont répondu (l'UMP ne faisant que résumer ses bonnes actions du quinquennat !), quatre sont venus au débat de mardi soir (LO n'intervenant qu'à la fin...) : personne à droite donc. A chacun(e) d'entre nous de juger...
Les "précos" des candidat(e)s
Dans leurs courriers respectifs, les candidat(e)s à la Présidentielle ont souhaité éclaircir leur position. Enfin, presque. François Hollande a déclaré que 'investir dans la petite enfance (...) constituera l'une de (ses) priorités", sans préciser de chiffre (plus fou, tu meurs !) ; il a par ailleurs souhaité évaluer les effets du décret Morano (bref, pas d'abrogation en tant que telle). Eva Joly (EEVL) a proposé la création de 400.000 nouvelles places d'accueil, et Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) 500.000 ; tous deux se sont par ailleurs engagés "d'abroger le décret de 2010". La candidate du Front national Marine Le Pen s'était quant à elle prononcée en faveur d'une obligation pour les collectivités locales de créer des places en crèche (idem : supra-flou !).
> Résumé effectué depuis un article paru sur Famili.fr.
Question 1 : Comment situer l'accueil en tant qu'enjeu de la société ?
Rentrons maintenant dans le vif du sujet : le débat. Et cette première question sur "l'enjeu".
* Front de Gauche. Son programme se situe autour de "L'humain d'abord" et, comme le rappelle sa représentante Michelle Ernis, cela inclut bien évidemment le bébé. "Il doit avoir sa vie à lui dès le départ." Le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon souhaiterait pour sa part "maintenir et même étendre le service public", sans conteste son cheval de bataille. Et ainsi accentuer la formation et les statuts des personnels des crèches et des écoles maternelles.
* Europe Ecologie Les Verts. C'est l'adjoint au maire de Paris chargé de la petite enfance, Christophe Najdowski, qui représentait la parole d'Eva Joly. Après s'être félicité que la thématique de l'accueil des petits enfants rentre dans le débat public, il rappelle la volonté de sa candidate : abroger le décret Morano, ni plus ni moins. "Aujourd'hui, on remplit des cases, rien d'autre. On vit maintenant le surbooking avec 120% de remplissage dans les structures : non !" Et de préconiser, lui aussi, un véritable service public de la petite enfance. Principaux enjeux : l'égalité hommes/femmes en termes de congé parental, une réduction des inégalités sociales (via ledit service public) avec un accès pour tous aux divers modes d'accueil.
* Parti Socialiste. Le député d'Indre-et-Loir, Jean-Patrick Gilles, répondait aux questions au nom de son parti. L'enjeu passe avant tout par "l'investissement dans l'humain et dans la dimension éducative". "Etre parent, ce n'est pas être obligé de sacrifier sa vie professionnelle". Lui aussi revient sur l'idée d'un service public de la petite enfance...
* Les "témoins". Présents également autour de la table, les "témoins" sont des professionnels de la petite enfance, femmes et hommes de terrain. Le sociologue Julien Damon voit cinq enjeux : idéologique, démocratique, éducatif, économique et service public local. L'ex-administratrice de la CNAF, Jacqueline Farache, s'interroge quant à elle sur le travail des femmes : "Elles veulent travailler, il y a donc un besoin naturel d'accueil, d'équipements. Sans mode d'accueil, les femmes voire certains hommes ne peuvent pas travailler !" Enfin, Sylviane Giampino, psychologue petite enfance et psychanaliste, accentue la réflexion sur l'aspect psychologique de la sphère éducative.
Question 2 : Comment faire pour avoir davantage de places, davantage de qualité aussi ?
En 2011, le Collectif a lancé son "plan d'urgence" : plus de places en mode d'accueil, plus de formation... De vraies problématiques à résoudre, mais pas n'importe comment. Le Gouvernement UMP, absent du débat de mardi, avait promis 200000 places (dont 100000 en collectif) : 40000 ont été créées mais grâce aux 120% de remplissage, il sort le chiffre de 96000. On comprend ainsi son absence au débat... * Parti Socialiste. Le PS préconise une obligation de créations de structure, sous peine de pénalités dont l'argent serait redistribuer "à ceux qui font". "C'est un service à la personne comme un autre." Le PS préconise également la diversification des modes d'accueil, un congé parental moins long mais mieux rémunéré et surtout partagé équitablement entre les deux parents, et enfin la fin des "crèches low cost" créées par l'Etat (RAM).
* Europe Ecologie Les Verts. "Toutes les familles se doivent d'avoir le choix. Et à terme, on peut envisager la gratuité des structures, comme c'est le cas pour l'école. On se doit d'avoir un mode d'accueil accessible et de qualité !" Bref, un service public accessible quelque soit le lieu de vie. Les Verts ont budgeté ainsi pas moins de 400000 places supplémentaires, afin que chaque famille puisse trouver chaussure à son pied près de chez elle. Ils reviennent aussi sur l'accueil des 2-3 ans en Maternelles, sans pour autant rentrer dans un "productivisme scolaire non adapté à l'école". Enfin, il faut aussi créer des écoles spécialisées pour les métiers de la petite enfance... gratuites !
* Front de Gauche. Le FG s'engage à la reprise des postes vacants de l'Education Nationale. Et ainsi oublier ce chiffre de 13% des 2-3 ans allant à l'école à ce jour... Stop aussi aux jardins d'éveil, qui sont financés par les contribuables. Stop aux crèches d'entreprise, ces structures où la femme est mains liées à son entreprise. "Il existe à ce jour le 1% logement, pourquoi ne pas faire pareil pour financer les structures dans les communes ?" L'élue de Normandie revient aussi sur la formation "avec un statut" pour les professionnels de la petite enfance.
* Les témoins. Pour J. Farache, il y a besoin de développer, professionnaliser, financer et enfin rééquilibre. "Car beaucoup trop de parents sont contraints à l'accueil individuel ou carrément de s'arrêter de travailler". Pour le sociologue, il faut une politique des 0-6 ans : "Nous sommes les seuls en Europe à séparer les 0-3 ans aux 3-6 ans !" Une idée approuvée par S. Giampino ; et de renchérir : "Depuis 25 ans, il y a de multiples réglementations et financements pour mettre en place un bordel d'organisation autour de la petite enfance. Marre de passer de mode de garde en mode de garde !".
Sylviane Giampino : "L'enfant a besoin d'avoir sa place (...) Son lit, c'est son lit (...) La continuité psychique, elle est là aussi ! (...) Pensez au futur !!!"
* La salle. Un éducateur explique la chance qu'il a de travailler dans uns structure de 15 places... pour 4,5 temps plein : "C'est donc faisable!" Une auxiliaire du Languedoc souligne le fait qu'elle "exerce une profession, on n'est pas payé à faire gouzi gouzi et à changer des couches. Aujourd'hui, on économise en termes d'effectifs, mais on met en même temps les enfants en danger !" Une formatrice/éducatrice met quant à elle en avant la période estivale, où une ville comme Paris peut n'ouvrir qu'une seule crèche... pour 11 établissements : "Pour le bien-être de tous, les professionnels de la petite enfance doivent travailler dans les meilleures conditions possibles."
Question 3 : Quid du financement lors de la prochaine législature ?
Dernière question, et non des moindre. Et là, pas de véritables réponses. Personnellement, j'ai vu un député PS qui tourne sans cesse autour du pot, ne sachant que répondre : "Redonner des moyens si on veut agir. Oui, mais comment ? La réponse a duré... 2 minutes. Les Verts soulignent le fait que "la PAJE ne répond pas à l'offre d'accueil, c'est la Cour des Comptes qui le dit. Le congé parental est aujourd'hui contraint, et souvent il est difficile de retrouver un emploi derrière ou de se projeter dans une progression dans sa carrière. Les Verts se positionnent CONTRE la marchandisation : OUI à un service public voire associatif géré localement, NON à un service privé !" Et le Front de Gauche se pose directement et légitimement la question : "Où se trouve l'argent ? On doit se donner les moyens et arrêter d'en rester à l'enveloppe stricte qu'on nous donne !"
On retient des 3 partis représentés ceci. Pour le PS, s'il passe, le décret sera remis... à plat (abrogation ou pas ? on joue avec les mots...). Pour les Verts, les parents doivent s'emparer de toutes ces questions au côté des professionnels ; le décret serait abrogé. Pour le Front de Gauche, il faut combattre la déshumanisation de la petite enfance, les enfants ne devraient pas être que des chiffres ; il faudrait une meilleure articulation local/national ; pour eux aussi, s'ils passent, le décret serait abrogé. Enfin, une représentante de Lutte Ouvrière est intervenue en toute fin de séance : pour elle, il ne s'agit pas tant de chiffres que de choix.
L'avis de Papa Online !
Je ne rentrerai pas dans le détail si ce n'est qu'en effet, les besoins sont réels et qu'il faut faire vite, avant que la situation n'empire pour les familles. Personnellement, je trouve ça scandaleux que des partis politiques refusent le débat : UMP, Modem pourtant annoncé, et même le FN de Mme Le Pen. Quant aux partis présents, on a aujourd'hui des paroles comme l'abrogation du décret Morano. Reste maintenant à gagner les élections, et à appliquer ces dires... Pour nos loulous, on a encore du pain sur la planche. Personnellement, je pense que je vais un peu plus me rapprocher de ce Collectif, même si le temps me manque quand même...
Et vous, que pensez-vous de ce débat "gauche-gauche" (même si l'on connaît la position de l'UMP avec son décret Morano) ???